Une question que tout habitant d'Oméga est en droit de se poser. Car après un certain galarien aux méchas comme à l'arme impitoyables, c'était une humaine qui avait choisi d'exercer son métier de docteur sur Oméga... Gagnant bien vite une réputation ambivalente : médecin efficace certes, mais peut équilibré paraissait-il. Et potentiellement agressive s'il était tenté de lui forcer la main. Ce à quoi ne songeait point En'Dal, il avait simplement entendu son lot d'anecdotes sur de mercenaires et gangsters qui étaient reparti plus morts que vifs. Ou tout simplement morts dans la plupart des cas.

Mais une nuit au sommeil difficile, du fait de ses blessures, avait laissé bien du temps au drell pour s'y résoudre : s'il espérait obtenir les crédits nécessaires aux réparations, au paiement de Kror et au ravitaillement, un peu de mercenariat s'imposait. Et y aller dans son état était une excellente manière d'écourter stupidement son existence. Ce n'était pas tout à fait son objectif.

Aussi choisit-il au matin de rejoindre la clinique du docteur 'Akuma', empruntant pour cela quelques couloirs peu fréquentés - conduit d'aération compris - de sa connaissance. Au besoin, il se dissimulait... Il dut juste esquiver la poigne hasardeuse d'un vortcha dans un piètre état, qui laissa En'Dal songeur : l'incroyable régénération de cette race lui permettait-elle de récupérer des yeux crevés ? Mais son propre cas l'importait bien davantage, aussi n'y pensa-t-il bientôt plus, atteignant la clinique avec une dernière grimace douloureuse, à devoir faire travailler sa peau endommagée pour glisser son corps dans un espace réduit. Puis il revint à des couloirs plus praticables.

S'avançant jusqu'à un comptoir - d'une démarche un peu raide, cela dit -, il demanda simplement.

▬ Pourrais-je consulter le docteur Akuma ?

Toujours impassible, En'Dal remercia le turien, avant de s'engager dans le couloir désigné, de sa démarche légèrement moins souple qu'à l'ordinaire. Si son interlocuteur avait semblé perturbé après sa conversation avec sa supérieure, le drell ne l'avait point été, ni étonné : cela correspondait aux diverses rumeurs étant parvenues à ses oreilles de barman. Une doc' efficace mais légèrement... Détraquée. En soit, un cas parmi tant d'autre sur Oméga. Pour ce que le Drell en savait - et supposait en grande partie... Qu'il ait un peu fois en la civilisation -, ce qui constituait une minorité de la population sur les planètes 'civilisées - donc les criminels en tout genre, les fous, dont un vortcha amoureux des explosifs qui disparut bien vite de ses pensées... - était plutôt proche de la majorité sur la station. Donc que cette humaine ait un équilibre mental atypique n'était pas pour 'l'ennuyer'. Du moment que cela n'influençait pas d'une manière négative sa pratique de la médecine. Dont En'Dal allait pour en faire les frais.

A l'entrée du bureau, un crissement le fit s'arrêter, puis se baisser. Quand le drell se releva, il tenait un morceau de verre couvert d'un liquide indéterminé - dont il n'avait aucune envie particulière de connaître la provenance - entre ses doigts. N'en entrant pas moins, il le fit avec plus de précaution, tout en s'adressant à l'occupante des lieux.

▬ Votre disponibilité m'arrange, même si j'ai l'impression d'avoir interrompu quelque chose. fit-il remarquer. Quant à ce qui m'amène, il s'agit de brûlures. Dues à l'explosion d'une grenade. Annonça-t-il abruptement.

En disant cela, il regardait avec un semblant de contrariété le morceau de verre inutile qu'il tenait. En détachant le regard, le drell jeta l'immondice dans ce qui ressemblait le plus à une poubelle, dans ce bureau aux nombreux ustensiles, certains à l'évident rôle médicale, d'autres s'avérant plus douteux.

▬ Docteur... Akuma ? fit-il, laissant le soin à l'humaine de le corriger ou non.

Certains esprits s'avéraient posséder des préférences quant aux termes les nominants. Le barman avait ainsi eu pour clients pendant quelques années un Volus voulant qu'il le nomme "Le Grand". L'individu payant bien, il n'avait pas cherché à le contrarier. Allez savoir ce qui lui avait valu de ne plus reparaître à la Station Terminus.

HRP:

Ou je ne serais tout simplement pas rentré. Songea le drell, en réponse à l'évocation du coup de pied gratuit. Quant au sang de Galarien, comme celui des Vortchas, Butariens, Krogans, Humains, Asaris... Il en avait vu son content dans son bar. Ce n'était pas faute d'espérer que toutes les personnes concernées aillent s'entre-tuer - ou tenter de le tuer - ailleurs. En tout cas, les rumeurs semblaient bien vrai : une sorte d'humour morbide, aucune tentative pour rassurer le patient... A l'image d'Oméga, par certains côtés : franche et brutale. En'Dal se demanda un instant si l'humaine prenait parfois le temps de nettoyer sa blouse : les charmes du sang sur un blanc immaculé... Sans doute qu'elle le faisait. Question d'hygiène. Sans doute.

▬ Venir ici pour éviter d'être gêné au risque d'être plus aisément abattu, et mourir sur la table d'opération... Ce serait vraiment idiot. fit-il remarquer, grinçant à peine des dents.

Néanmoins, le mercenaire ne se déroba pas, retirant sweat, t-shirt, mettant à nue une large portion de sa peau vaguement cousine de celle d'un reptile terrien... Le dos d'abord, les jambes ensuite. Par politesse, il parvint à se défaire de son pistolet, le déposant sur une table a portée. Ce n'était pas la doc' qu'il redoutait, mais tout intervenant extérieure. Quoique penser que des Soleils Bleus viendraient le chercher jusque ici était grotesque, d'autant qu'il n'en avait pas vu sur le trajet jusqu'à la clinique. Mais... Ils vivaient sur Oméga. Cela ne s'oublie pas.

Akuma s'impatientant légèrement - La Mort patiente avec moi depuis longtemps, contrairement à elle. - En'Dal alla s'asseoir sur la table où il espérait vaguement ne pas trépasser, en présentant son dos à la doc'. La seule chose de rassurant qu'il avait pu observer chez l'humaine était son organisation, son absence d'hésitation : cela valait sans doute mieux que quelques gentils mots mensongers couvrant une totale incompétence. La question qui pouvait donc se poser était : où avait-elle appris ? Dans une clinique vortcha ne serait pas une réponse agréable... Si un tel lieu exista.

Ayant pour seul vis-à-vis le reste de la pièce, le drell tâcha tout de même de... Se détendre. Même si la grand brûlure qui parcourait la moitié basse de son dos, disparaissant sous son pantalon, ne présageait pas une partie de plaisir pour lui. Mais avoir mal signifiait être vivant, alors... Le désir de ne plus connaître de souffrance, et seulement un calme éternel, disparut aussi vite qu'il était venu. Il eut souhaité pouvoir voir - si ce n'est surveiller - Akuma, mais sa position ne le permettait pas, à moi de se tordre le cou.

▬ Oméga doit vous fournir un flot régulier de patient, et je ne crois pas que ce genre de blessure soit une rareté. dit-il, faussement tranquille. Est-ce cela qui vous a mener à exercer ici ? La 'faune' locale ?

"Qu'est-ce que vous venez faire à Oméga ?" Question commune. Le drell y était né, les mercenaires y trouvaient moult contrats, ou encore y avaient leur QG... Mais qu'est-ce qui avait pu mener un médecin humain ici ? A vu de nez, elle ne semblait pas répondre aux ordres d'autrui, alors cela devait être de son propre fait. Ce qui allait dans le sens de sa réputation, cela dit.

HRP:

Que ce soit personnel ou non, je ne serais plus de ce monde pour protester. Songea le drell, en une pensée grinçante. Mais apprendre qu'une autre personne sur Oméga n'était pas intéressée pour lui faire la peau est toujours une bonne chose. Agréable. Même quand la-dite personne s'occupe de blessures tout sauf non douloureuses. En'Dal tenta de s’abîmer dans la contemplation de la paume de sa main droite. Il faut souffrir pour guérir. Des éclats furent retirés de sa chair endommagée. Avec une certaine dextérité, certes. Logique de merde. Du moins le drell n'oubliait-il pas desserrer les mâchoires. Il n'en était plus à ça prêt, en terme de blessure.

▬ Comme doivent en être convaincus mes clients, les ennuis c'est comme la chtouille, quand on en autant en faire profiter les autres... dit-il d'une voix légèrement rauque.

Puis, il resta surpris un instant. Fronça les sourcils. Débris de verre. Sang de Galarien. Humaine excentrique. Table d'opération. Il manquait le passage "présentation en bonne et due forme". En'Dal marmonna, légèrement confus. Vraiment se détendre ne serait pas de trop. Mais la présence dans son dos d'une - presque - inconnue ne le mettait guère à l'aise. Si ses mains ne tenaient présentement pas de scalpel, et autre outil médical tranchant, le fils d'assassin que le drell était avait parfaitement conscience de quelles manières elle eut pu en user pour l'étrangler, lui tordre la nuque, lui démettre les cervicales... Être vulnérable - plus que d'ordinaire - ne lui réussissait guère. Discute. Tout plutôt que de songer aux méthodes présentement accessible pour s'entre-tuer. Devrait-il demander un calmant ?

▬ Tout à fait juste. Et compréhensible. répondit-il avec un peu de retard. En'dal Tenhm. Se présenta-t-il encore plus tardivement. Barman à la Station Terminus. Crut-il bon d'ajouter.

Avait-il oublié ses quelques manières du fait d'une faiblesse passagère, ou à cause de l'étrangeté du personnage entre les mains duquel il avait temporairement remis son intégrité physique ? Dans le deuxième cas, l'excentricité de l'humaine semblait s'atténuer alors qu'elle agissait en doc' compétente : la concentration requise à ne pas faire plus de mal que de bien réduisait-elle donc sa tendance à l'égarement ? Le drell n'avait pas pour habitude d'engager la conversation, ni de l'inviter à se poursuivre par des questions. Dans son bar, l'alcool s'en chargeait à sa place. Mais il accepta de se sacrifier à cette pratique pour se distraire de quelques élancements... Et il avait suffisamment entendu de rumeurs sur Akuma pour savoir qu'il n'y trouverait aucune réponse précise pouvant donner ne serait-ce qu'une piste quant à la raison de sa présence sur la station, ou de son comportement atypique.

▬ Me suis-je suffisamment corrigé ? demanda-t-il après un temps. Auriez-vous exercé sur au front pendant la guerre ? Osa-t-il demander encore.

Car si c'était le cas, la question en devenant d'autant plus pertinente : qu'est-ce qu'un médecin rescapé de la guerre pouvait trouver de plaisant dans le chaos constamment violent d'Oméga ?!